Tinted Hong Kong – Photographies peintes de Brenda Turnnidge

TINTED HONG KONG

Brenda Turnnidge a-t-elle vraiment goûté ce « vin de serpent » vendu dans les hypnotiques bonbonnes de la boutique en bas de chez elle à Hongkong ? Pas sûr… La photographe a en tout cas vécu sur l’île de 1988 à 1990. Elle habitait au onzième étage de l’immeuble Universal Building du quartier de Sheung Wan, où se concentraient les enseignes d’herboristerie chinoise.

À toute heure, la photographe s’enchante de la vie ardente qui l’entoure : le marché plein d’odeurs et les exhortations des maraîchers, les encens du temple perché en haut de l’escalier qui clôt la rue, l’intrication entre les vivants et les morts via d’étranges constructions de papier déposées sur la chaussée, le tout parfois ponctué par le passage sidérant d’un typhon…

Elle prend des milliers de photos, en noir et blanc, fascinée par le dessin formé par des poissons mis à sécher sur un grillage, par la coïncidence entre le visage d’un passant et celui d’une affiche, par un détail drôle ou mystérieux dans le paysage toujours renouvelé de la rue…

Lorsque Brenda Turnnidge rentre en Europe, en 1990, elle ressent le mal du pays et, pour bercer sa nostalgie, reconstitue son Hongkong personnel : elle sélectionne des photos pour en souligner, à l’aide des pigments intenses rapportés de là-bas, certains éléments, réinterprétant ses clichés à la lumière du souvenir. Cette technique lui a été inspirée par un studio de Mysore, en Inde, où elle avait fait un saut en 1989 : « Les deux frères du Raj Bros Photo Studio coloriaient, dans le plus grand détail, chaque sari sur une photo de mariage, ça m’a impressionnée… Ils y consacraient trois semaines… Un “eureka moment” pour moi ! J’ai couru rechercher les encres photographiques achetées, au hasard, un peu plus tôt en Chine et jusqu’alors délaissées… »

Il lui reste quelques carnets de ces pigments, toujours utilisables, et les photos qu’elle présente aujourd’hui sont des inédits — et des pièces uniques : de nouveaux tirages sur papier baryté, qu’elle s’est mise à retravailler à la couleur il y a quelques mois. Volonté inconsciente de préserver « son » Hongkong, à l’heure où la région s’interroge sur son devenir ? Plaisir des yeux, véhicule du rêve et de la réflexion en tout cas pour le spectateur.

Monique Devauton

Brenda Turnnidge

De père anglais, de mère grecque, Brenda Turnnidge a pris Paris comme port d’attache au début des années 1990, après une enfance londonienne et une décennie en Asie. Ce que cette « incurable globe-trotteuse », selon ses propres mots, aime à mettre en valeur, ce sont d’abord les gens, tous les gens, jeunes ou vieux, riches ou pauvres : ce qui l’intéresse, c’est de découvrir et d’attester comment nos « frères humains » vivent, ici et là-bas, comment ils mangent, comment ils dorment, travaillent ou se promènent, comment ils font la fête, et jusqu’à leur rapport à la mort, bien sûr…

Depuis 1986, elle a exposé, seule ou avec d’autres photographes, à Hongkong, Macao, Gwangju (Corée du Sud), Tokyo, Beyrouth, New York, Londres, Turin, Lisbonne, Arles et Paris.